Un peu d’économie pour comprendre notre monde et devenir une entreprise contributive (1/3)
- poitouthugo
- 19 mai 2024
- 16 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 mai 2024
“Les idées des économistes et des philosophes politiques, qu’elles soient justes ou fausses, sont plus puissantes qu’on ne le croit généralement. À vrai dire, il n’y a pas grand-chose d’autre qui gouverne le monde”, écrivait en 1936 John Maynard Keynes, économiste britannique. Comprendre les tenants et aboutissants des théories économiques est essentiel, car l’économie est une discipline, in fine, à visée normative. Elle a vocation à caractériser ce qui est “meilleur’. Elle influence non seulement les politiques publiques, mais aussi la structuration de la vie économique (décision d’un citoyen, agissement d’une organisation…). Aujourd’hui, une théorie économique est dominante. Elle est appelée “économie mainstream”. Cette théorie est véhiculée à travers un discours économique porté par les chercheurs, les commentateurs, les décideurs politiques, les chefs d'entreprises, les médias. Ce discours devient le reflet des croyances d'une époque sur la façon dont doit fonctionner le système économique.
Toutefois, ce qui est ‘mainstream’ n’est pas toujours sans faille. Alors que ce site internet a pour objectif de partager des éclairages sur le sujet de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), et étant donné le poids des théories économiques dans la conduite des affaires, il apparaît essentiel de dédier un article au sujet de l’économie. Cet article souhaite mettre en lumière les faiblesses de la théorie économique mainstream qui gouverne notre monde. Cet article présente une alternative à la théorie économique mainstream qui intègre la prise en compte des limites physiques, appelée économie écologique. Enfin, cet article introduit quelques concepts et outils clefs qui aident à mieux comprendre notre monde et potentiellement à mieux guider nos actions.
Afin de comprendre l'ensemble des théories présentées dans cet article, il est nécessaire d'être familier avec les quelques fondements de la Physique : L'énergie, la thermodynamique, et les structures dissipatives. Si ces termes ne sont pas familiers, alors il est fortement recommandée de lire cet article ICI en guise de prérequis.
L’économie Standard ou mainstream :
Le courant dit « mainstream » en économie, ou théorie standard, définit le problème économique central comme l'allocation de ressources rares. L’analyse économique implique donc la recherche de l’efficience, entendue comme l’utilisation “optimale” des ressources permettant de maximiser la satisfaction (ou “utilité”) et le bien-être des individus. Les recherches en économie s’intéressent donc aux comportements des ménages et entreprises (microéconomie) et aux interactions des marchés (macroéconomie) afin de développer des outils théoriques et empiriques pour maximiser le bien-être des individus par une allocation optimale des ressources.
La théorie standard de l’économie tient pour base des individus égoïstes, rationnels, et indépendants les uns des autres (Cochet, 2015). Elle part du postulat que les ressources sont rares et substituables. Les grandes intuitions de ce courant peuvent être comprises en modélisant une économie d’échange. Schématiquement, les individus forment un système de deux entités : (1) les ménages, qui vendent ou louent des terres, du travail, et du capital à des entreprises en échange de quelque chose (salaire, rentes…) ; (2) les entreprises, qui combinent des facteurs de production afin de produire des biens et des services en échange de quelque chose (Hall & Klitgaard, 2018). Par conséquent, il existe deux marchés. Le premier est dédié à l'échange de biens et de services et s'appelle le marché des produits ; le second est le marché des facteurs de production dans lequel le capital, le travail, et d’autres facteurs de production sont échangés. Sur les deux marchés, l'interaction de l'offre et de la demande détermine simultanément des niveaux d'équilibre de prix et de quantité (optimum), dits efficaces et équitables. Cette vision mécaniste de l'économie a conduit Stanley Jevons à définir l'économie comme « la mécanique de l'utilité et de l'intérêt personnel » (Jevons, 1879, p. 23).

Les outils économiques développés en accord avec la théorie standard ont pour objectifs d’aider à la recherche de l’optimalité et, in fine, de décrire et de normer le fonctionnement de l’économie et les déterminants de la richesse des nations. Premièrement, si un marché n'est pas optimal, les institutions interviennent sur le marché pour atteindre l'équilibre économique ; en d'autres termes, pour obtenir le bon prix (Ruth, 2011). Les instruments d'intervention vont de l'imposition de taxes à la déréglementation des monopoles. A noter que, selon la théorie susmentionnée, les choses qui ont de la valeur pour les individus ont un prix, et les choses qui n'ont pas de valeur ne sont pas incluses dans le marché (le bonheur, la pollution des particules fines...). Deuxièmement, la richesse des nations se mesure aujourd’hui principalement par le produit intérieur brut (PIB) et son accroissement. En fonction des valeurs des biens et services échangés, en termes réels, on peut calculer le produit intérieur brut (PIB). La comparaison du PIB au fil des années, définit communément la croissance économique. La croissance économique est un phénomène économique qui a été fortement étudié et qui reste au cœur de l'économie. Une vision commune de l'économie standard, soulevée par Solow en 1956, consiste à expliquer la croissance économique par l'avancée continue du progrès technique.
Au cours des dernières décennies, l'économie standard s'est diversifiée et a intégré, dans ses hypothèses, certaines des critiques qui avaient initialement émergé à son encontre. Par exemple, l’économie comportementale s’est développée. Elle intègre le fait de comportement non rationnel des individus. Un autre exemple en environnement est l'émergence de l'économie environnementale. Etant donné que les choses qui n'ont pas de valeur ne sont pas incluses en accord avec la théorie standard, certaines externalités environnementales comme la pollution de l’air ne sont pas prises en compte. L'économie environnementale, travaille donc à internaliser les externalités négatives en leur donnant un prix (ce qui n’est pas chose aisée en pratique - plus d’informations ICI). Malgré l’intérêt de l’émergence de ces différents travaux, un élément sous-jacent, et déterminant, est à questionner : La théorie néoclassique se pense comme un système isolé, n’échangeant ni de matière ni d’énergie avec son milieu extérieur. Toutefois, ce système économique échange bien de l'énergie (notre économie a eu besoin de 604,4 EJ en 2022 d’énergie primaire dont 82% provenant d’énergies fossiles) et de la matière (en 2019, l’économie mondiale a consommé 105,7 milliards de tonnes de matériaux, dont 91% provenant de l’extraction (UN,2024)). Ainsi, l’économie doit être pensée comme un système ouvert.
Une autre économie : l’économie écologique
Étant donné que notre économie est un système ouvert, il est d’intérêt d’y lui appliquer les lois de la thermodynamique. L’économie se retrouve alors intégrée au sein de la biosphère physique du système Terre, et donc sujette à ses lois. Afin de théoriser les implications d’une telle intégration, une école de pensée est apparue dans les années 70, fort des travaux de Nicholas Georgescu-Roegen, de Howard T.Odum, ou encore de C. S. Holling. Son petit nom ? L’économie écologique. Tout comme la théorie standard, l’économie écologique se focalise sur les questions d’efficience et d’allocation ; toutefois, elle le fait en prenant en compte les contraintes sociales et physiques imposées par nos sociétés et la biosphère physique. Étant donné que l’économie écologique comprend une variété de courants, ce texte se bornera à introduire les concepts clefs décrivant (1) le lien entre thermodynamique et économie ainsi que (2) ses implications.
Reprenons le modèle néoclassique composé des ménages, des entreprises et des deux marchés (marché des facteurs de productions et marché des biens & services). D’un côté, ce modèle ne reflète pas le fait que l'activité économique nécessite les intrants et les services d'un monde biophysique. Or, comme évoqué précédemment, des apports sont nécessaires ; l'économie associée au superorganisme humain « mange » de l'exergie et des ressources. Ce sont donc de la matière et de l’énergie de faible entropie qui entrent dans le processus économique afin de permettre au système économique de fonctionner et de se développer. Par exemple, dans le système agricole, l’apport d’exergie et de matière permet d’augmenter le rendement de l’agriculture (engrais), transporter les aliments dans les villes (carburant raffiné, route en bonne état…), conserver les aliments (matériels frigorifiques, électricité), et les transformer en nourriture.

Ainsi, en accord avec la théorie des ‘structures dissipatives’ de Prigogine, notre système économique puise continuellement dans l'environnement de l'exergie et de la matière pour conserver (et augmenter) l’ordre à l’intérieur du système. Toutefois, cela se fait au prix d'une plus grande production d'entropie dans son environnement. En effet, le processus économique s'accompagne de la libération d'entropie dans l'environnement sous forme de chaleur perdue ou de matières dégradées. Cette chaleur perdue ne pourra plus être utilisée par le système économique ; par exemple, les pertes liées à la conversion d’énergie ne sont pas utilisées par la société; elles sont perdues. Le litre d’essence consommé par une personne pour aller au supermarché ne peut être utilisé qu’une seule fois. Quant à la matière dégradée, en pratique, il est parfois faisable, souvent difficile, et voire impossible ou inadéquat, de retrouver son état initial (contrainte par un besoin plus ou moins gourmand en énergie). Pour simplifier, cette matière dégradée représente la pollution de notre environnement (CO2 émis suite à la combustion de ressources fossiles, aluminium non recyclé, plastiques…). Ainsi, cette théorie économique permet de coupler le flux circulaire de la valeur d'échange économique à un flux physique d'énergie et de matière qui, lui, n'est pas circulaire.
Une économie ancrée dans la biosphère physique, ça implique quoi ?
Ce modèle a deux implications majeures qui sont (1) la présence d’une limite physique d’exergie disponible et (2) les conséquences à moyen et long terme du rejet de matière de haute entropie dans l’environnement.
Premièrement, le fait d’intégrer l’économie dans la biosphère physique établit que les ressources sont légitimes et constituent un sujet clé en économie. L'énergie, et plus précisément l'exergie, apparaît alors comme la ressource ultime. D’un côté, l’exergie convertie en travail utile (se déplacer, construire, échanger de l’information…) s’établit comme le moteur de la croissance économique (Ayres & Warr, 2005). D’un autre côté, elle devient la ressource ultime, car elle permet, in fine, de recycler la matière dégradée. Par exemple, pour recycler une tonne d’aluminium, 6-10 GJ d’énergies sont nécessaires. Alors que les économistes ‘mainstream’ font fi des exigences physiques de toute activité économique dans le modèle standard, il est nécessaire de prendre en compte la présence d’une limite quant à la quantité d’énergie disponible pour faire fonctionner la machine de création de valeur qu’est notre système économique. En effet, il existe des limites aux sources d’énergie disponibles, qui peuvent provenir de stocks (combustibles fossiles) ou de flux (énergie solaire et chaleur terrestre). Alors que les stocks ont par définition une quantité limitée disponible sur Terre, l'exploitation des flux d’énergies dépend de la capacité de notre société à les convertir en énergies utiles. L'exploitation de chaque flux a des limites propres (disponibilités des terres, disponibilités des matériaux, technologie, coûts énergétiques requis pour leurs exploitations…). En d’autres mots, et en appliquant le modèle d’économie écologique, c'est l'exergie disponible qui devient le facteur limitant des processus économiques.
Deuxièmement, la libération d'une grande quantité d'entropie dans l'environnement a des conséquences négatives et durables sur l'environnement. En effet, alors que le système économique crée des richesses (à l’intérieur du système), il crée aussi des déchets, toxiques ou nocifs pour la planète. En 2009, une équipe dirigée par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre a publié un article intitulé "Un espace opérationnel sûr pour l'humanité” qui résume de manière éclairante l’état de santé de la planète (mis à jour en 2023). Le groupe a identifié neuf "limites planétaires" dont le changement climatique, l’intégrité de la biosphère (la biodiversité), l’apparition de nouvelles entités (exemple : plastique), la perturbation des cycles biochimiques de l’azote et du phosphore… Aujourd’hui, 6 des 9 limites planétaires sont dépassées. Le dépassement de ces limites planétaires implique des risques pour notre société et donc notre système économique. Ce sont les fameuses externalités négatives, qui n’ont pas de prix au sens de l’économie mainstream. Lorsque ces externalités sont mineures, internaliser le prix d’une externalité, comme le fait l’économie environnementale, peut paraître raisonnable (par exemple : provisionner le coût de la remise en état d’un site suite à l’activité d’une usine) ; toutefois, lorsque ces externalités impliquent des questions vitales pour nos sociétés (par exemple la capacité de la Terre à supporter la vie), alors il apparaît nécessaire de penser notre modèle économique autrement.

Ainsi, l’économie écologique nous apprend que les processus économiques sont limités d’un côté par l’exergie disponible. L’utilisation de cette exergie permet à notre société de produire des configurations de molécules (facteurs de productions et biens de consommation...) et d'informations (savoir-faire technologique...) au bénéfice de chaque individu, augmentant sa satisfaction et son bien-être. De l’autre côté, l’économie écologique nous apprend que le processus économique est limité par les effets à moyen et long terme de la libération de haute entropie dans l’environnement qui remet en question la capacité de la Terre à supporter le vivant (ou du moins l’humanité).
Il apparaît donc que pour atteindre une soutenabilité des processus économiques, il préférable de repenser nos modes de vie en prenant en compte la biosphère physique et le fonctionnement du vivant. A noter que si « la dissipation et le désordre croissant sont inévitablement associés à notre existence même » (Kümmel, 2011 - pp.133), les voies potentielles ne conduisent pas toutes à un désordre croissant à un rythme croissant. Pour l’émergence d’un système économique soutenable, il est nécessaire (1) de rationaliser nos actions pour minimiser l’utilisation d’énergie, (2) continuer à oeuvrer aux progrès techniques pour maximiser l’efficacité de nos convertisseurs d’énergie, et (3) travailler à concevoir un modèle plus circulaire, s’appuyant sur le fonctionnement du vivant, et ayant pour objectifs de garantir la capacité de la Terre à supporter la vie. Dans cette veine, ces dernières années ont vu fleurir de nouveaux outils, concepts, et voies pour penser le modèle économique de demain et guider nos actions.
Voir le monde différemment pour être en mesure d’agir consciemment
Des méthodes, concepts, outils, pour rendre compte des interactions entre la structure économique (Etats, Villes, Organisations) et la nature sont apparus au cours de ces dernières années. Les prochains paragraphes introduisent quatre de ces méthodes permettant de découvrir le monde autrement.
L’ensemble des méthodes peuvent être regroupées en trois grandes catégories : des méthodes permettant de mesurer les impacts d’une activité économique (Empreinte carbone, Analyse de cycle de vie), des méthodes orientées sur les processus thermodynamiques (Coût énergétique, coût en matière d’exergie…), ou encore des méthodes centrées sur ‘le métabolisme physique de l’économie’ (EROI, Analyse de flux de matières…). Ce texte introduira deux méthodes orientées vers l’impact, à savoir « la famille des empreintes’ et « l’analyse de cycle de vie », ainsi que deux méthodes ‘métaboliques’, à savoir, le EROI et l’analyse de flux de matières.
Le taux de retour énergétique (EROI)
Le taux de retour énergétique (TRE, ou Energy Return on Investment - EROI en anglais) est le rapport entre l'énergie restituée par une activité de collecte d'énergie et l'énergie utilisée dans ce processus. Par exemple, pour extraire une tonne de pétrole, une quantité d’énergie est requise dans le cadre du processus (exploration, forage, exploitation, acheminement). Cette quantité d’énergie doit être inférieure à la quantité d’énergie contenue dans la tonne de pétrole pour que l’opération soit rentable.

Dans le cadre du système économique dans son ensemble, le EROI est la quantité d’énergie qui atteint l’économie une fois que les besoins propres au système énergétique ont été satisfaits. On parle alors d’énergie nette. « L’énergie nette est donc l’énergie disponible pour faire autre chose qu’extraire de l’énergie de l’environnement, c’est-à-dire soutenir les activités économiques” (Victor, 2023). Par exemple, supposons un EROI de 10:1, cela reviendrait à dire qu’environ 10 % de notre économie est nécessaire pour obtenir l'énergie nécessaire au fonctionnement des 90 % restants. Les 90% représentent l’énergie nette utile à l’activité économique. De surcroît, plus le EROI est faible, plus l’économie doit dédier un effort important pour trouver de l’énergie afin de faire ‘tourner’ son économie.
Des études se sont donc concentrées à comprendre l’évolution de cet indicateur pour certains pays. Une question s’est alors posée : quel est l’EROI minimal requis pour permettre le fonctionnement d’une économie moderne ? En effet, on peut imaginer qu’il existe une valeur minimale d’EROI en dessous de laquelle une société moderne ne pourrait plus croître, ni même assurer ses fonctions essentielles, car le système énergétique « cannibaliserait » une trop grande part de l’énergie produite, rendant ainsi l’énergie disponible pour la société plus rare et plus chère, ce qui gripperait la machine économique (Court, V., & Fizaine, F., 2023). Malgré des difficultés méthodologiques pour atteindre un résultat robuste, les recherches supposent que l’EROI minimal nécessaire pour l’approvisionnement en énergie finale des sociétés contemporaines se situe en dessous de 5. L’accès à des services supplémentaires comme l’éducation, le système de soins, ou l’art, demanderait à l’économie un EROI plus élevé, comme l’illustre la pyramide des besoins énergétiques de la société.

L’analyse du système économique éclaire sur l’importance de la technologie et de notre mode de vie. D’une part, le développement de la technologie peut améliorer l’efficacité énergétique du système et donc améliorer la capacité à fournir un même service économique en consommant moins d’énergie (Baisse du EROI minimal). D’autre part, nos modes de vie définissent la quantité d’énergie nette nécessaire (Court, V., & Fizaine, F., 2023). Une société qui jugera que son bien-être passe par l’accès au plus grand nombre possible de biens matériels à haute intensité énergétique nécessitera de disposer de davantage d’énergie nette qu’une société dans laquelle le bien-être sera lié à une relative sobriété.
L’analyse des flux de matières
L’analyse des flux de matières s’est imposée comme une approche importante de l'économie écologique et des domaines connexes pour étudier l'économie biophysique. Cette approche permet l’étude des flux de matières et d’énergies utilisés par un système pour assurer son fonctionnement. Elle permet aussi d’éclairer les aspects liés à la durabilité environnementale tels que l’épuisement des ressources, la surutilisation de ressources, et le degré de recyclage. Cette analyse permet de retracer les flux de matières et d’énergie à travers le système économique, depuis l’extraction jusqu’à la consommation finale, en passant par différentes étapes de transformation et, après utilisation, par la gestion des déchets, le recyclage et les rejets dans l'environnement.
Une récente étude a appliqué cette approche pour mieux comprendre le rôle des stocks et des flux de matières pour la fourniture de biens & services au sein de notre économie (UN 2024). Cette étude montre qu’en 2019, 105,7 milliards de tonnes de matériaux ont été consommées par l'économie mondiale. Les besoins en énergie, notamment pour la production d'électricité et la biomasse utilisée pour l'alimentation humaine et animale, représentaient 40 % de la consommation totale de matières. Ces matières sont en grande partie utilisées dans l'année qui suit leur extraction et converties principalement en CO2 et en déchets. Les 60 % restants ont été utilisés comme matériaux structurels et techniques. Notamment, la plus grande partie a été utilisée pour constituer et entretenir des stocks de bâtiments, d'infrastructures et d'autres biens durables.

L’humanité et ses empreintes
La famille des ‘empreintes’ peut être entendue comme des indicateurs de pression humaine sur l’environnement. Ces empreintes appliquent une approche orientée vers l’impact pour apprécier les conséquences environnementales des activités économiques sur l’environnement. Les mesures les plus courantes sont “l’empreinte écologique”, “l’empreinte carbone”, ou encore “l’empreinte eau”. La base conceptuelle d’une empreinte est que tout produit et service de notre économie nécessite des apports du monde naturel et génère des impacts (ex : émissions carbone) qui peuvent être quantifiés.
La méthode de l’empreinte écologique (Wackernagel et Rees, 1996), exprime la "surface théorique (en hectares globaux, hag) nécessaire pour produire les ressources consommées et assimiler les déchets générés par le système examiné. La durabilité environnementale est évaluée en comparant l'empreinte écologique à la biocapacité (capacité maximale des ressources disponibles) d'une zone donnée. Pour illustration, en 2022, la moyenne mondiale de l'empreinte écologique était de 2,58 hag par personne alors que la biocapacité moyenne était de 1,51 hag par personne ; il fallait donc 1,71 Terre pour couvrir la consommation de l'humanité (Global footprint, 2022).
Le terme "empreinte carbone" décrit une grande variété d'approches méthodologiques qui évaluent l'impact d'une activité sur le climat de la Terre, en quantifiant les émissions de carbone (CO2, CH4 et autres GES) en termes d'équivalents CO2 (CO2-eq). Ces dernières années des initiatives ont été prises à l’échelle des pays (protocol de Kyoto, Accord de Paris) ainsi que des organisations afin de mesurer et travailler à réduire la quantité de GES émis dans l'atmosphère. L’objectif est de limiter le réchauffement climatique à moins de deux degrés Celsius d'ici 2100 par rapport au niveau d'avant le début de l'industrialisation.
Les familles des empreintes sont des outils utiles pour comprendre les pressions exercées par l’humanité sur l’environnement et cibler les efforts à mettre en œuvre afin de les réduire aux seuils incompressibles.
D’un bout à l’autre : L’analyse de cycle de vie
L’analyse du cycle de vie (ACV) est un autre outil afin d’apprécier les pressions exercées sur l’environnement. Cette méthode diffère des autres en ce sens qu'elle se concentre sur les "produits" ou les "services". Sa motivation est née de la nécessité de certifier ou d'auditer l'impact environnemental des produits en tenant compte de l'ensemble du cycle de vie.
L'analyse du cycle de vie est l’une des méthodes les plus largement acceptées, telle qu'elle est définie dans les normes internationales (ISO 14040 ; ISO 14044) (Patterson, 2017). Elle prend en compte toutes les étapes du cycle de vie lors de l'évaluation des performances d'un système, y compris l'extraction des matières premières, la transformation, la production, l'utilisation et l'élimination.
Aujourd’hui cette méthodologie est largement utilisée par des instances publiques, la communauté scientifique, des organisations. Elle permet d’identifier les principaux postes de pollution et de cibler les opportunités pour améliorer les performances environnementales des produits et services à différentes phases de leur cycle de vie.
De l'économie à l'entreprise
Notre système économique n’est pas isolé. Ce système est intégré au sein d’une société et de la biosphère physique ; ainsi, ce système économique doit prendre en compte les limites et les processus imposés par notre Terre.
La théorie écologique et les concepts et outils associés représentent le sous-jacent de l’ensemble des articles qui seront écrits sur ce site internet. Une entreprise contributive ne peut se réaliser seulement à travers l’acceptation d’une vision d’une soutenabilité forte de notre monde. Une vision qui intègre les limites physiques. Une vision qui prend en compte le fonctionnement du vivant. Une vision qui accepte les contraintes de nos sociétés.
A quoi pourrait donc ressembler une entreprise contributive. Je vous invite à lire cet article afin de le découvrir (ici) !
Auteur : Hugo Poitout
Pour en savoir plus sur l’économie :
The Other Economy (ICI) afin de vous éclairer sur les théories économiques et penser notre monde autrement.
Adhérer à l’initiative citoyenne « Rethinking Economics » afin d’apprendre et de débattre sur l’économie et nos modes de vie.
Pour les plus courageux, je recommande les lectures de
« Energy and the Wealth of Nations: An Introduction to Biophysical Economics » (2018) par Charles A. S. Hall, Kent Klitgaard. – en anglais
« Entropy: A New World View » (1980) par J. Rifkin, préface de N. Georgescu-Roegen – en anglais
Bibliographie :
Ayres, R. U., & Warr, B. (2005). Accounting for growth: the role of physical work. Structural Change and Economic Dynamics, 16(2), 181-209.
Cochet, Y. (2015). Chapitre 6. L’économie biophysique: Une économie pour l’ère de la décroissance. Dans : , A. Sinaï, Économie de l'après-croissance: Politiques de l’Anthropocène II (pp. 137-160). Paris: Presses de Sciences Po.
Cook, E. (1971). The flow of energy in an industrial society. Scientific American, 225(3), 134-147.
Court, V., & Fizaine, F. (2023, July). EROI minimum et croissance économique. In Annales des Mines-Responsabilité et environnement (No. 3, pp. 74-79). Cairn/Softwin.
Georgescu-Roegen, N. (1975). Energy and economic myths. Southern economic journal, 347-381.
Hall, C. A., & Klitgaard, K. (2018). Energy and the wealth of nations: An introduction to biophysical economics. Springer .
Hallett, S. (2013). The Efficiency Trap: Finding a Better Way to Achieve a Sustainable Energy Future. New York: Prometheus Books.
Jevons, W. S. (1879). The theory of political economy. Macmillan and Company.
Keynes, John Maynard (1936) The General Theory of Employment, Interest and Money,
Kümmel, R. (2011). The second law of economics: energy, entropy, and the origins of wealth. Springer Science & Business Media.
Lambert, J. G., Hall, C. A., Balogh, S., Gupta, A., & Arnold, M. (2014). Energy, EROI and quality of life. Energy policy, 64, 153-167.
Patterson, M., McDonald, G., & Hardy, D. (2017). Is there more in common than we think? Convergence of ecological footprinting, emergy analysis, life cycle assessment and other methods of environmental accounting. Ecological Modelling, 362, 19-36.
Rees, W. E. (1996). Revisiting carrying capacity: area-based indicators of sustainability. Population and environment, 17(3), 195-215.Rosa, E. P., & Ramos-Martín, J. (Eds.). (2023). Elgar Encyclopedia of Ecological Economics. Edward Elgar Publishing.
Ruth, M. (2011). Entropy, economics, and policy. Thermodynamics and the destruction of resources. Cambridge University Press, Cambridge, UK. http://dx. doi. org/10.1017/CBO9780511976049, 20, 402-422.
United Nations Environment Programme (2024): Global Resources Outlook 2024: Bend the Trend – Pathways to a liveable planet as resource use spikes. International Resource Panel. Nairobi.




Votre analyse sur l'impact des processus bien définis sur l'efficacité résonne particulièrement. En effet, la transition d'une approche ad hoc vers des systèmes clairs est souvent le catalyseur d'une croissance significative, non seulement en termes de rendement mais aussi de sérénité au quotidien. Cependant, la théorie est une chose, et la mise en pratique de ces principes, notamment la création et le suivi de ces systèmes, peut s'avérer complexe sans les bons outils. Pour ceux qui cherchent à concrétiser cette organisation, il existe des ressources dédiées, comme une plateforme pour optimiser les flux de travail, qui peuvent grandement simplifier cette démarche.