Prérequis : Energie & Thermodynamique, c'est quoi ?
- poitouthugo
- 19 mai 2024
- 7 min de lecture
Pour comprendre l'article sur l'économie (ici), et plus largement, pour mieux comprendre les phénomènes naturelles, quelques notions éssentielles sont à découvrir.
Sont présentées en prérequis, une introduction à l’énergie, à la thermodynamique, et à la théorie des structures dissipatives.
L’énergie
L'énergie peut être définie comme la capacité à modifier un état ou à produire un travail. L’unité de référence de l’énergie est le joule (J) ; toutefois, d’autres unités existent comme le kilowattheure (1kWh = 3,6MJ), plus pratiques pour illustrer des phénomènes à l’échelle de notre société. Il est fondamental de distinguer l'énergie (Watt-heure) de la puissance (Watt). L'énergie est une quantité, tandis que la puissance est le taux auquel nous utilisons ou produisons de l'énergie. Par exemple, une ampoule d’une puissance de 100W allumée pendant une heure consomme 100Wh ou 0,1kWh d’énergie.
L'énergie peut être classée, selon une approche anthropique, en énergie primaire, finale, ou utile. L’énergie primaire est l’énergie disponible dans la nature avant transformation (l’énergie mécanique d’une chute d’eau, l’énergie solaire, ou l’énergie issue de la fission nucléaire…). L’énergie finale est l’énergie concrètement livrée et utilisée par un utilisateur (électricité, carburant raffiné présent dans le réservoir d’une voiture, gaz purifié…). L’énergie utile est la quantité d'énergie qui a été consacrée à fournir à une personne un service spécifique (s’éclairer, se déplacer, se chauffer…). Le passage d’énergie primaire, à finale, et utile implique la présence de convertisseurs, comme une éolienne (transformation de l’énergie du vent en électricité), un moteur thermique d’une automobile (transformation de l’énergie contenue dans le carburant raffiné en énergie cinétique pour se déplacer)... Ces conversions ou transformations de l'énergie sous différentes formes ne sont pas intégrales. En d’autres mots, à chaque transformation, il y a des pertes.

En France en 2022, seules 1 657 TWh -énergie finale- (sur 2 530TWh d’énergie primaire) ont été utilisées pour satisfaire les besoins humains (Datalab, 2023). Le reste de l’énergie a été perdu lors des étapes de transformation, de transport ou de distribution. A noter que sur les 1 657 TWh consommées, seul un pourcentage, dépendant de l’efficacité du convertisseur final, sert effectivement à satisfaire le besoin de l’utilisateur (énergie utile). Par exemple, un moteur automobile à essence typique a une efficacité d’environ 30% ; ainsi, 30% de l’énergie finale est véritablement utilisée pour répondre au besoin de l’utilisateur (se déplacer), le reste étant rejeté sous forme de chaleur perdue. Pour comprendre la limite physique de la conversion d'énergie, il faut comprendre les lois de la thermodynamique.
Enfin, à noter que l’énergie primaire peut se trouver sous formes de stock d'énergies comme les ressources fossiles ou les ressources en uranium, ainsi que sous formes de flux d'énergies renouvelables qui proviennent, in fine, du rayonnement solaire. D'un point de vue quantitatif, le stock de ressources fossiles, y compris l'uranium, est nettement inférieur au flux d'énergie renouvelable (GEA, 2012). Pour illustration, l'estimation supérieure du stock global d'énergie fossile conventionnelle et d'uranium s'élève à 495 560 EJ par rapport aux 3,9 millions d'EJ de rayonnement solaire qui atteignent la surface de la Terre chaque année (GEA, 2012).
La Thermodynamique
Il est essentiel de dire que la thermodynamique peut être appliquée aux systèmes de matériaux. Un système est simplement un ensemble d'objets, défini par une enveloppe macroscopique. Un système peut être isolé, fermé, ou ouvert.
Un système isolé n’échange ni d’énergie ni de matière avec l’environnement extérieur. Par exemple, de l’eau dans une bouteille thermos est un système pseudo-isolé.
Un système fermé peut échanger de l'énergie, mais pas de matière, comme un circuit d’eau de refroidissement. La Terre peut être considérée comme un système fermé.
Un système ouvert échange à la fois de l'énergie et de la matière, comme les organismes vivants.

Les lois de la thermodynamique se comptent au nombre de trois ; seules deux sont introduites dans ce prérequis.
La première loi de la thermodynamique est la loi de la conservation de l'énergie. Elle stipule que l'énergie ne peut être ni créée ni détruite. Par conséquent, l'homme ne crée que des convertisseurs d'énergie pour transformer une forme d'énergie en une autre forme. Par exemple, l'homme ne crée pas d'électricité, il transforme l'énergie contenue dans quelque chose, tel qu'un kilogramme de charbon, en électricité à la suite de multiples processus de conversion.
La deuxième loi de la thermodynamique établit l'irréversibilité des phénomènes physiques et introduit une nouvelle mesure appelée, entropie. L’entropie peut être considérée comme le degré d'ordre dans un système (Narbel, Hansen, & Lien, 2014). L'entropie, qui se mesure en comparant l'état final à l'état initial d'un système, ne peut qu'augmenter et ne peut être détruite. Cette loi implique que les processus naturels ont une direction privilégiée, allant d'un état d'ordre à un état de désordre. Dans un système isolé, l'entropie augmente jusqu'à ce qu'elle atteigne un maximum dans lequel aucun travail ne peut être effectué et aucun changement dans les paramètres macroscopiques tels que le volume, la température et la pression ne se produit (Kümmel, 2011). Cet état est appelé équilibre thermodynamique. En d’autres mots, l’équilibre, c’est la mort. Dans tous les processus réels de transformation de l'énergie, l'entropie totale de tous les corps impliqués ne peut qu'augmenter (vers l’état d’équilibre). L'idée fondamentale sous-jacente est que tout se dégrade ou se disperse s'il n'y a pas d'apport d'énergie de haute qualité dans le système. La qualité à l’intérieur d’un système peut être améliorée, mais cela ne peut se faire qu'au prix d'une plus grande détérioration de la qualité ailleurs, hors du système..
Dans le domaine énergétique, si tout se dégrade (Deuxième loi), mais que l'énergie est conservée (Première loi), force est de constater que certaines formes d'énergie sont plus utiles à la société et moins dégradées que d'autres. Ainsi, l'entropie peut également être considérée comme le degré de dégradation de l'énergie. Dans une formulation simple, plus l'entropie est grande, plus le degré de "désordre" de l'énergie est élevé et plus sa qualité est faible (Jancovici, 2018). Dans cette veine, une mesure appelée, exergie, a été définie pour qualifier la qualité de l’énergie. L’exergie est la quantité de travail maximum qu’une forme d’énergie peut produire; c’est la partie utilisable de l’énergie. Le type d'énergie à faible entropie est occupé par l'énergie mécanique (exergie absolue) tandis que le type d'énergie à forte entropie est lié à l'énergie thermique à basse température (exergie faible). Une entropie élevée signifie que le système a évolué vers un état thermodynamique dans lequel il y a peu d'exergie à disposer.
Pour illustrer ces principes, prenons un exemple d’une chambre d’enfant avec des jouets parfaitement rangés, de parents, et d’un enfant. En début d’après-midi, un des parents enferme l’enfant dans sa chambre avec l’interdiction de sortir et l’obligation de s’amuser avec ses jouets. Au bout de deux heures, un des parents revient dans la chambre. Ce parent retrouvera la chambre en désordre avec l’ensemble des jouets sur le sol. Pour permettre à son enfant de continuer à vivre dans sa chambre (sans se faire mal au pied à cause d’une tête de légo égarée), et pour lui permettre de s’amuser à nouveau le lendemain dans une chambre rangée avec des jouets en états de fonctionner, alors le parent s'embarquera (sans doute avec joie et bonne humeur) dans une session de rangement, qui lui coûtera sueur et temps. En termes physique :
La chambre est un système fermé composé de l’enfant et de ses jouets, et échangeant de l’énergie avec le milieu extérieur (énergie mécanique du parent).
Au début de l’expérience, les jouets sont bien rangés et l’enfant est calme; l’entropie du système est faible.
Au cours des deux heures, la deuxième loi de la thermodynamique s’applique : le système augmente en désordre. En d’autres mots, l’entropie augmente.
A la fin de l’expérience, pour revenir à l’état initial d’une chambre rangée et fonctionnelle, le parent a dû apporter de l’énergie dans le système, et plus particulièrement de l’énergie mécanique (exergie absolue) pour ranger le système ‘chambre’. Il y a apport d'énergie de haute qualité dans le système.
Cette dernière transformation respecte la deuxième loi de la thermodynamique qui stipule que toute transformation d'un système thermodynamique s'effectue avec augmentation de l'entropie globale incluant l'entropie du système (l’enfant et ses jouets) et du milieu extérieur (le parent).
Les structures dissipatives
Le concept d'entropie peut également être généralisé aux systèmes ouverts (exemple : les êtres vivants, les océans, les cellules… ) en s'appuyant principalement sur les travaux de Schrödinger et Prigogine, prix Nobel de physique (1933) et de chimie (1977) respectivement.

En accord avec la deuxième loi de la thermodynamique, un organisme vivant augmente continuellement son entropie et tend donc à s'approcher de l'état dangereux d'entropie maximale (la mort) ; par conséquent, « il ne peut s'en préserver (c'est-à-dire rester en vie) qu’en puisant continuellement dans l'environnement de l'exergie (énergie de haute qualité), et plus largement, de l’information de faible entropie (nutriments, matière…), afin de conserver l’ordre à l’intérieur du système. Toutefois, cela se fait au prix d'une plus grande production d'entropie dans son environnement, de sorte que, dans l'ensemble, il y a eu une augmentation de l'entropie. Ce fait a conduit Ilya Prigogine à définir des « structures dissipatives » éloignées de l'équilibre thermodynamique. En résumé, ces structures maintiennent leur intégrité - en se développant ou en se copiant -, dans un état de déséquilibre, en utilisant l'exergie fournie par l'extérieur (Ayres, 2016). Cette utilisation de l'exergie est contrebalancée de manière plus importante par la « production d'entropie » au sein de l'environnement. Par conséquent, on peut comprendre qu'en appliquant la théorie des structures dissipatives, l'existence même des humains, comme d'autres systèmes ouverts, est inévitablement associée à la « dissipation et à l'augmentation du désordre ».
Pour illustration, le corps d’un humain ingère de l’énergie (les calories contenues dans les aliments) et de la matière (nutriments) de son environnement extérieur. L’énergie et la matière prélevées permettent à notre corps de maintenir sa structure et de se développer… En contrepartie, l’entropie du milieu extérieur augmente (ex : chaleur perdue par notre corps). En effet, la plupart de nos organes se renouvellent constamment en éliminant les cellules anciennes ou mortes et en les remplaçant par de nouvelles afin de rester dans un état optimal. La paroi de votre estomac se change toutes les semaines ; le tissu osseux est, lui, entièrement remplacé tous les 10 ans… Bien que les parties évoluent, le tout reste (presque) inchangé : vous restez vous-même (vous ne devenez pas une autre personne). Ainsi, pour reprendre les mots de E.Schrödinger, “le propre de la vie est d’inverser le processus de l’entropie : tandis que la matière tend inéluctablement vers le désordre, la vie, quant à elle, maintient en permanence l’ordre et le reconstruit”.
Pour en savoir plus sur l'énergie et la thermodynamique :
Our world in data : https://ourworldindata.org/
Bibliographie :
Ayres, R. (2016). Energy, complexity and wealth maximization. Cham: Springer.
Datalab, Chiffres clés de l’énergie (2023) Statistique Publique ; [En ligne] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2023/
Jancovici, J-M (2018) Jean-Marc Jancovici, ‘l’Energie, de quoi s’agit-il exactement?’, Published August 1st 2011 ; Last modification on September 2nd 2018; Retrieved on January 30th from https://jancovici.com/transition-energetique/l-energie-et-nous/lenergie-de-quoi-sagit-il-exactement/
Kümmel, R. (2011). The second law of economics: energy, entropy, and the origins of wealth. Springer Science & Business Media. GEA, 2012: Global Energy Assessment – Toward a Sustainable Future, Cambridge University Press, Cambridge UK and New York, NY, USA and the International Institute for Applied Systems Analysis, Laxenburg, Austria. Gomiero, T. (2016). Soil degradation, land scarcity and food security: Reviewing a complex challenge. Sustainability, 8(3), 281.
Narbel, P. A., Hansen, J. P., & Lien, J. R. (2014). Energy technologies and economics. Springer.




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